American Colour: (Joshua Bonnetta, 2011)

Présentation

American Colour est le titre d’un film expérimental de 25 minutes ainsi que d’une composition musicale (disponible en disque vinyle) réalisés par l’artiste Joshua Bonnetta. Le film, tout particulièrement, se veut un hommage à la pellicule Kodachrome, à ses inventeurs et à ses couleurs, caractéristiques d’un certain paysage américain.

Contexte et description

En 2010, le cinéaste et musicien américano-canadien Joshua Bonnetta tourne 14 bobines périmées de Kodachrome pour réaliser le film expérimental American Color. Ce dernier est tourné au cours d’un road trip qui mène Bonnetta du lieu de naissance de la célèbre pellicule, à Rochester, dans l’État de New York, à son ultime lieu de repos, à Parsons, dans le Kansas, au laboratoire de Dwayne’s Photo où seront développées les dernières bobines de Kodachrome. Sa trame sonore fantomatique est un hommage aux deux Leopold (Godowsky et Mannes) qui inventèrent le Kodachrome en 1935. Elle se compose de morceaux de violon ralentis, de bandes magnétiques et de captation in situ de radio à ondes courtes, prises au cours du voyage. Pour sa part, la bande image de American Color est composée de courts segments alternés de couleurs pures (suivant la tradition des films de Dwinell Grant ou de Paul Sharits), entrecoupés de plans brefs, fixes et portés à la main et dont l’ensemble dresse une sorte de portrait pastoral de l’Amérique. Les plans – qui semblent avoir été tournés à la fin de l’automne ou au début de l’hiver – sont généralement sombres, crépusculaires. On y retrouve des motifs récurrents de fleurs (comme autant de bouquets funéraires), d’églises, de jouets abandonnés, d’espaces quelconques, de lieux vides ainsi qu’une panoplie d’objets jaunes et rouges (palissade en bois peint, bornes-fontaines, etc.), les deux couleurs iconiques du Kodachrome. L’iconographie choisie par Bonnetta participe d’une esthétique du deuil (certaines scènes sont tournées dans un cimetière) et élabore une allégorie pour une Amérique disparue, enracinée dans ses paysages, mais aussi ses icônes évanouies. Les images dégagent une vive impression de dislocation temporelle et géographique. Tout comme les « dernières photographies » de Steve McCurry, les sujets sélectionnés créent des images hors du temps, tout en étant, paradoxalement,« à propos du temps ». American Color est une œuvre qui, aux côtés des Kodachrome Elegies de Jay Rosenblatt (2017), In Memoriam: Kodachrome (Jürgen Lossau, Heiko Riemann, 2006) ou encore Kodak (Tacita Dean, 2006), cherche à célébrer mélancoliquement la pellicule argentique, à l’aube de son obsolescence.