Présentation
Les Polawalks (ou encore Instant Tours) sont une des pratiques parallèles à la résurgence de la compagnie Polaroid au tournant de la décennie 2010 et dont la popularité, relativement courte[1], témoigne de l’engouement pour une pratique de la photographie analogique rassemblée autour de l’idée de communauté.
Description
Le principe est simple : de petits groupes de visiteurs suivent, pour une durée de deux heures, un guide dans les moindres recoins de grandes villes comme Vienne, Santiago de Chile ou encore Graz[2]. Ces guides sont d’avides collectionneurs de caméras Polaroid vintage. Durant la visite, ils prêtent ces dernières aux visiteurs et conseillent ceux-ci dans le maniement de ces appareils. Puisque chaque film ne contient que huit poses, chaque visiteur ne dispose donc que d’autant de prises, lors des deux heures que durent les tours. En réalité, il est possible pour un visiteur d’en acheter davantage, mais ce geste éloignerait celui-ci du défi que pose cette contrainte et de l’esprit de ces marches : « Although you can buy more film, having eight shots meant I tried harder to find a nice photo rather than randomly taking happy snaps. » À la fin, les visiteurs peuvent comparer leurs photographies et discuter de celles-ci.
Les modalités rétros des Polawalks
Les Polawalks ne sont pas rattachées à une pratique ancienne qu’elles chercheraient à réadapter, mais en réalité c’est leur thématisation qui les rattache fermement à une idée de la photographie plus ancienne. En fait, la pratique relativement courte des Polawalks est une sorte de prolongement de la nostalgie des caméras Polaroid et, par extension, de la photographie analogique, autrement dit une idée, une perception d’un affaiblissement des relations interpersonnelles et de la sociabilité[3].
Comme le laisse voir la description de l’activité mise en exergue, les Polawalks sont bâties autour de la croyance que des caméras Polaroid (vintages) amélioreraient la créativité des visiteurs et rehausseraient l’authenticité de leur visite, en dotant celles-ci d’un souvenir tangible ou en d’autres mots d’un véritable « piece of memory ». Au sujet des Polawalks, on a écrit : « But what would it be like to step back in time and see Vienna in a different way—to a time before we had filters to give our pictures a “vintage” look. Take a walk down memory lane with us…[4] », et on voit là la dichotomie bâtie entre analogique et numérique, authenticité et facticité, mémoire et inattention.
En ce sens, les Polawalks sont une célébration des idées et des thèmes modernes que sont le flânage ainsi que le (ré)enchantement du réel et de la vision. Liée aux Polawalk, on trouve la promesse du plaisir de découvrir les recoins cachés d’une ville, la possibilité de déambuler dans cette dernière avec une caméra à la main : « Gilbert [le guide] showed us secret passages and corners of Vienna, which I think are unknown to most Vienna based people as well[5] »; « It feels special to carry the Polaroid camera around your neck and use it strategically »; « Traversing the city with a somewhat antiquated contraption is exciting, but so too is the idea that you only have eight photographs with which you have to capture the beauty that you’re met with at every turn ». Walter Benjamin écrivait au sujet de la photographie qu’elle pompait l’aura de prestige des villes européennes, de leurs noms distingués, par la reproduction mécanique de leurs emblèmes. Or, pour un flâneur, Polaroid au cou : « While Instagram has its place, there’s something to be said for roaming the streets of a classic European city with a Polaroid camera slung around your neck, making careful decisions about what to photo rather than just clicking away endlessly with your iPhone or Canon DSL » : l’ironie du sort voudrait donc que les Polawalks participent tant au réenchantement de la pratique photographique que de celle du flânage (préférablement dans une ville européenne).
Les Polawalks combinent l’attrait rétro du Polaroid à une propension nostalgique pour un passé et une sociabilité pré-électroniques : « Le [Polawalk] du centre ville m’a aidé à découvrir des choses de Santiago qui ne sont écrites ni dans les livres ni sur Internet, et que l’on peut seulement apprendre, connaître et vivre en marchant[6] ». La nature rétro des Polawalks se définit donc par un goût pour le spécifique et le local, le gritty, et les Polaroids, dont le temps de prise impose des limites que l’utilisateur accepte évidemment, appuient parfaitement ce désir d’un retour du rétro : la sociabilité que permettent ces marches urbaines établit, en retour, un parallèle avec le plaisir (apparemment suranné) d’écouter et d’apprendre auprès des habitants des villes qu’on visite si volontiers.
Notes
[1] Les Polawalks semblent être finies : la plupart des pages ont cessé de fonctionner ou d’être adaptées.
[2] https://www.facebook.com/events/349353555608036/
[3] Voir par exemple https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1461444817724169
[4] https://news.yahoo.com/amphtml/this-is-the-coolest-way-1311378381283382
[5] Également : « Also a unique way to discover a city (I did a tour in Graz, most tours are in Vienna), unravel its secrets and take home with you some unforgettable souvenirs. »
[6] « El tour con Polaroid por el centro de la ciudad, me ayudó a descubrir cosas de Santiago que no están en los libros ni en internet y que solo caminando pude aprender, conocer y vivirlo. » https://www.tripadvisor.com.ar/ShowUserReviews-g294305-d15074087-r613859808-Instant_Tours-Santiago_Santiago_Metropolitan_Region.html