Black Mirror : Bandersnatch: (David Slade, 2018)

Présentation générale

Bandersnatch est un film interactif de science-fiction, qui constitue l’un des épisodes de la série télévisée d’anthologie Black Mirror. C’est le projet interactif/projet d’immersion narrative de Netflix ayant comptabilisé le plus de vues à ce jour. La joueuse/spectatrice agit de façon omnisciente sur l’action du film, à la manière d’un « livre dont vous êtes le héros ».

Synopsis 

Bandersnatch se déroule au début des années 1980. Son protagoniste, Stephan Butler, est un programmeur au service d’un développeur de jeux fictifs appelé Tuckersoft. Butler doit adapter Bandersnatch, un roman de fantasy, dans un jeu vidéo en 1984. Dans le jeu Bandersnatch, le personnage principal se perd dans ses propres embranchements, ses codes, comme dans ses propres souvenirs.

Comment participer à Bandersnatch sur la plateforme de Netflix  ?

Pour faire partie de l’immersion narrative, la joueuse/spectatrice a 10 secondes pour effectuer un choix entre deux options proposées, sinon le film continue seul. Chacun de ces choix influe sur la structure du récit. Le motif de l’embranchement comme mise en abyme est déterminant au sein du film et influence également le contenu du récit lui-même (populaire durant les années 1980 dans le monde du jeu vidéo). De même, Bandersnatch fonctionne à la manière d’un jeu vidéo, c’est-à-dire à partir d’« easter eggs » cachés.

Contenu et modalités du rétro

On remarque dans Bandersnatch des références cinématographiques liées au psychédélisme et au cinéma de la fin des années 1990. Alors que dans beaucoup de films traitant de retours vers le passé les années 1980 sont à l’honneur, ce sont ici les films du tournant du millénaire qui servent d’inspiration nostalgique. Plusieurs références cinématographiques figurent dans l’épisode interactif, que l’on pense à la proposition du « choix entre deux pilules » – scène qui fait référence à The Matrix (1999) des soeurs Wachowski –, à l’image de la pupille qui s’ouvre – Requiem for a Dream (2000) de Darren Aronofsky –, au look de Colin Ritman qui rappelle celui de Hunter S. Thompson dans Fear and Loathing in Las Vegas (1998) ou encore au lapin de Donnie Darko dans le film du même nom réalisé par Richard Kelly en 2001. Ces références sont toutefois purement citationnelles, laissées ici et là, pour capter l’attention de la joueuse/spectatrice et créer avec elle un sentiment de connivence avec cet univers filmique particulier.

On observe de plus qu’il y a des références faites à l’univers de la série Black Mirror elle-même et qu’il est préférable d’avoir vu l’entièreté de cette série pour réussir à les capter. Le jeu Pig in a Poke, par exemple, est une référence à l’épisode « National Anthem ». Le centre médical où se rend Stephan Butler se nomme « Saint Juniper », renvoyant à l’épisode  du même nom. Plusieurs autres mentions et allusions du même type figurent dans Bandersnatch.

On note par ailleurs dans Bandernatch un aspect méta-discursif très marqué, à partir duquel Netflix est dépeint comme une « entité du futur ». Dans l’un des embranchements possibles de l’histoire, Netflix est en effet présenté comme une entité venue du futur que doit confronter Stephan Butler. Il revient à la joueuse/spectatrice de choisir si la plateforme explique elle-même au personnage principal ce qu’est Netflix et ce que la plateforme peut faire. Parmi plusieurs choix, cela peut donner lieu à la conversation qui suit et qui apparaît en mise en abyme via un écran d’ordinateur dans l’épisode.

Netflix (au sein de Bandersnatch) dit, via l’écran qui est regardé par le protagoniste (et se fait passer pour la joueuse/spectatrice) : « I am watching you on Netflix. I make decisions for you. It is a streaming platform from the 21st century. It’s like TV but Online, I control it. » Stephan répond : «  I’m being controlled by someone from the future. » « Someone » fait référence ici à la spectatrice/joueuse. Il y a donc un moment d’interaction entre le personnage principal et celle-ci, et surtout une reconnaissance de sa personne comme actante au sein de Bandersnatch.

L’un des aspects importants de Bandersnatch se trouve aussi présenté à travers le motif de l’easter egg. Les téléspectateurs peuvent choisir de jouer l’épisode de Bandersnatch de manières différentes, mais une fois qu’ils sont arrivés à l’une des conclusions possibles et que le générique est lancé, il y a une scène secrète. On y voit Butler avec une copie de son jeu et une série de bruits se produisent. Les fans de jeux vidéo rétro auront reconnu ces bruits comme ceux d’un jeu pour la ZX Spectrum, un ordinateur personnel 8 bits rare vendu au Royaume-Uni entre 1982 et 1992.

Certains des jeux fictifs présentés ci-dessous ont été commandés par Netflix et il est possible d’y jouer sur la ZX Spectrum. La compagnie de jeux fictifs Tuckersoft (telle que présentée dans l’épisode Bandersnatch) possède donc un site web « réel », sur lequel sont répertoriés les jeux fictifs créés par la compagnie. Il est possible de cliquer sur l’image de ces jeux pour en apprendre davantage.

Il y a ainsi un rappel nostalgique de la ZX Spectrum, en tant que technologie à redécouvrir pour le fan néophyte et le fan de retro-gaming, puisqu’elle était l’un des premiers ordinateurs 8 bits. Le brouillage entre réalité et fiction concerne ainsi le motif même de l’easter egg.

Comment s’entrecroisent passé et futur dans Bandersnatch ?

Tout comme dans Ready Player One (2018) de Spielberg, le passé et le futur sont des temporalités qu’il est possible de contrôler dans Bandersnatch. Seulement, cette fois, la notion du temps est considérée d’emblée comme illusoire. Par exemple, un retour sur un moment crucial de l’enfance de Stephan Butler ne fournit qu’une option aux téléspectateurs, ce qui montre que certains éléments du passé ne peuvent être réécrits. La joueuse/spectatrice constate ainsi que le pouvoir qu’elle possède sur l’interactivité de l’épisode Bandersnatch n’est pas total. À travers l’aspect volontairement métadiscursif du projet, Netflix développe un commentaire (critique, ouvertement sournois?) sur la façon dont les utilisateurs sont eux-mêmes contrôlés. « I am watching you on Netflix » prend un sens inquiétant, alors que Netflix « passe » par l’univers de la série Black Mirror pour transmettre subtilement son message : le système vous regarde, et non le contraire.

Réception critique

This is Black Mirror’s first true storyline set in the past rather than the future, so naturally, it plops us down in 1984—nominally because 1984 was a primo moment in the history of video game development, but more obviously to ensure that our ensuing experience is as on-the-nose and Orwellian as possible. […] Netflix is a character in Black Mirror: Bandersnatch. Only Black Mirror could pull that off.

28 décembre 2018, https://www.vox.com/culture/2018/12/28/18159100/black-mirror-bandersnatch-netflix-review-gameplay-endings.

The first thing that is evident in the film is the eighties aesthetic that is so characteristic of Netflix productions. The great first season ofStranger Things, Netflix original, revived a nostalgia for film and aesthetics of the 80s that is now being overexploited by the producer of the streaming service. The first symptom was the second season of this same series, in which the context and aesthetics, which paid tribute to Spielberg and company, was only a prop and a backdrop, did not contribute anything to the plot. Different from the first season, in which the context of the silent war between the United States and Russia was fundamental in the course of events.

« Black Mirror Bandersnatch or the endless labyrinth», 13 janvier 2019, https://latinamericanpost.com/25729-black-mirror-bandersnatch-or-the-endless-labyrinth.