Mise en contexte
Le 11 mai 2015, le studio de développement de jeux Inti Creates Co. lance une campagne de sociofinancement, pour un projet de metroidvania intitulé Bloodstained: Ritual of the Night. Le projet est mené par un des maîtres d’œuvre du genre, Koji Igarashi. Ce dernier a notamment participé à la création de plusieurs jeux de la série Castlevania lancée par le développeur japonais Konami. Déjà, le 12 mai 2015, l’équipe d’Inti annonce que le projet est complètement financé via Kickstarter : au lieu des 500 000 $ demandés initialement, le projet a reçu un peu plus de 4 millions en un mois.
Pour stimuler les dons et pour « récompenser » le dépassement des objectifs de financement de ce type de projet, il est courant d’inclure différents bonus en fonction de montants organisés en paliers (tiers). Le 5 juin 2015, Inti annonce le développement d’un prequel si la campagne amasse un minimum de 4,5 millions[1], objectif qui sera atteint dès le 12 juin suivant. C’est cet antépisode, Bloodstained: Curse of the Moon, qui m’intéresse en fonction de deux aspects : son style visuel rétro et la reprise d’éléments de la série Castlevania, plus particulièrement de Castlevania III: Dracula’s Curse (Konami, 1990) le dernier titre de la série parue pour la Nintendo Entertainment System (NES)[2], qu’il reprend.
Le style visuel
Plusieurs jeux récents reprennent le style visuel associé aux jeux vidéo parus pour les consoles 8 ou 16 bits du milieu des années 1980 et 1990. Ces jeux étaient développés pour les consoles telles que la NES (1985), la Super Nintendo Entertainment System (1991), la Sega Master System (1986) ou la Sega Genesis (1989)[3].
Comme nous pouvons l’observer dans les figures ci-dessus, des jeux plus récents (la colonne de droite) tentent de recréer les limitations technologiques qui, à l’origine, caractérisaient le style visuel des jeux de plateforme (un genre populaire au tournant des années 1980 et 1990, représenté par quelques jeux dans la colonne de gauche), en utilisant des palettes de couleur limitées, en présentant des niveaux créés en tuiles (les jeux développés pour les consoles de l’époque ont des tileset, des ensembles d’images bitmaps, qui ne peuvent excéder quelques kilo-octets ou méga-octets d’informations), en réemployant le défilement parallaxe (parallax scrolling) pour simuler l’effet de profondeur, etc. On retrouve même le style visuel des affichages tête haute (head-up display) dans les jeux plus récents, où l’on retrouve les items de l’inventaire, la barre de vie et d’autres éléments pertinents.
Castlevania: Curse of the Moon s’inscrit dans la mouvance du design de jeu à saveur rétro. Pour attirer les joueurs des années 1980 et 1990, le jeu mise sur la nostalgie associée aux jouabilités et esthétiques (sonores et visuelles) des œuvres qu’ils ont possiblement expérimentés. Il joue également sur les limitations technologiques de l’époque de la NES, puisque Curse of the Moon n’est pas jouable sur cette console[4]. Pour paraphraser Dominic Arsenault, certains jeux contemporains tentent d’allier le style des jeux d’antan avec les possibilités de design actuelles[5]. D’autres jeux modernes peuvent, quant à eux, être joués sur les consoles des années 1980-1990, tels que Micro Mages(Morphcat Games, 2019) et les jeux vendus par l’entreprise CollectorVision.
De nombreux clins d’œil
Comme nous l’avons mentionné, Igarashi s’est inspiré fortement de Castlevania III, entre autres en proposant aux joueurs de débloquer trois personnages (interchangeables, contrairement au jeu original qui ne proposait qu’un des trois pendant certaines séquences du jeu). Dans les deux captures d’écran ci-dessous, on voit que c’est en libérant les personnages (après un combat) qu’il est possible de les intégrer à notre équipe et de les manipuler. On retrouve également quelques embranchements dans les niveaux (plutôt linéaires), ce qui n’était pas commun au tournant des années 1980.
Une portion de Bloodstained a retenu mon attention quelque temps après y avoir joué. La première animation ci-dessous correspond à une portion du niveau 8-02 dans Castlevania III, où l’on doit franchir une certaine distance gardée par deux chevaliers tirant leurs haches à différentes hauteurs. On retrouve une portion similaire dans le niveau A-01, pour laquelle il faut éviter les chauves-souris tout en battant les ennemis qui peuvent tirer des projectiles dans les jambes ou sur le torse du personnage.
Il serait aisé de multiplier ce type de comparaisons, un peu comme le fait Kurt Kalata dans son ouvrage Hardcore Gaming 101 Presents: Castlevania (2014). En effet, l’auteur compile et organise des captures d’écran en se limitant aux jeux de la série Castlevania. Nous pourrions étendre ce travail de comparaison avec les éléments de Curse of the Moon, notamment autour des vitraux, ce que Kalata fait (en partie) lorsqu’il répertorie les niveaux se déroulant dans des églises. La portion finale de Curse of the Moon et les interludes présentent des ouvrages en vitres colorées. La série Castlevaniaintègre, dès le troisième opus, divers niveaux thématiques qui se déroulent dans des églises et des cathédrales, lieux où l’on retrouve ces fenêtres ornementales.
Réception
Developer Inti Creates has done an excellent job of capturing the look and feel of NES games without being slavish to the limitations of the platform. Your characters are a little less stiff than the NES heroes of old, a little faster to react, a little more fluid in motion. And although the widescreen format creates larger rooms to navigate than in the days of 4:3 aspect ratio and 8-bit screen resolution, Curse of the Moon compensates for this by throwing more enemies at you at a time or by making them move faster.
Parish, Jeremy, « Bloodstained: Curse of the Moon Review », IGN, 16 août 2018, https://www.ign.com/articles/2018/05/30/bloodstained-curse-of-the-moon-review.
Curse of the Moon est LE Castlevania 8-bit que tout le monde attendait. Pas besoin d’être amateur de la série pour l’apprécier, car le jeu est parfaitement conçu pour un public moderne tout en conservant la saveur et le goût du défi qu’on retrouve dans un jeu rétro.
Papa Cassette, « Bloodstained: Curse of the Moon, le nouveau Castlevania 8-bit », RDS Jeux vidéo, 8 juin 2018, https://jeuxvideo.rds.ca/bloodstained-curse-of-the-moon-le-nouveau-castlevania-8-bit/.
At times, it’s old-school to a fault. Some enemies are not so much a challenge as a nuisance: the undulating flight paths of one particular enemy type combined with moving platforms and the knockbacks of Veteran mode might make you think Curse at the Moon would have been a more appropriate title.
Schilling, Chris, « Bloodstained: Curse of the Moon Review », PC Gamer, 4 juin 2018, https://www.pcgamer.com/bloodstained-curse-of-the-moon-review/.
Notes
[1] Plus précisément, le jeu était « donné » pour toutes les personnes ayant donné plus de 28 $ lors de la campagne de sociofinancement. Les personnes n’ayant pas participé au Kickstarter peuvent acheter le jeu sur diverses plateformes en ligne (Steam, PlayStation Store, Xbox, etc.). Une édition physique (au tirage limité) a été vendue par Limited Run en 2019.
[2] Le jeu est paru en 1989 au Japon sur la Famicom. Il y a quelques différences d’une version à l’autre du jeu, originalité de Castlevania brillamment expliquée par Joe Drilling dans une vidéo analytique publiée le 29 octobre 2015.
[3] Les dates de parution énumérées correspondent aux sorties nord-américaines de ces consoles. Elles ont été reprises du livre d’Evan Amos intitulé The Game Console: A Photographic History from Atari to Xbox (San Francisco : no starch press, 2019).
[4] « Despite the 8-bit stylings of the game (adhering very much to the formula of Castlevania III, for the most part), this one gives it the Shovel Knight treatment of removing all the arbitrary sprite limits, as well as extending the playfield to 16:9 aspect ratio ». Dominic Tarason, « Bloodstained: Curse of the Moon Shines on the PC today », Rock, Paper, Shotgun, 24 mai 2018, https://www.rockpapershotgun.com/bloodstained-curse-of-the-moon-shines-on-the-pc-today.
[5] Dominic Arsenault, « Old But New: When Game Design and Innovation Turn Video Game History into Uchronia », communication présentée dans le cadre du symposium annuel Histoire du jeu, Montréal, 30 juin 2016.