Présentation

La Nintendo Entertainment System (NES) de Lego est un ensemble qui, comme son nom l’indique, permet de reconstruire à l’aide des briques éponymes non seulement la console NES mais également une télévision des années 1980 en plus de certains niveaux célèbres provenant du jeu Super Mario Bros.

Contexte : les cycles d’une légende vidéoludique

À de nombreux égards, on attribue à la NES d’avoir sauvé le marché du jeu vidéo, lors de sa sortie en 1985. Deux ans auparavant, en 1983, le marché du jeu vidéo subissait un crash imputable au scepticisme du public à l’endroit des capacités des consoles et des jeux que les compagnies de jeux avaient apparemment exagérées[1]. La combinaison de nouveaux mécanismes (comme la possibilité de sauvegarder dans les jeux eux-mêmes) ainsi que l’introduction de nouvelles séries et franchises (par exemple Super Mario Bros. et Zelda) ont galvanisé le marché et forgé la réputation de la console[2].

La nostalgie pour la NES et l’époque qu’elle représente ne date pas d’hier. Depuis 1995, année où Nintendo cessa la vente de la NES, cette dernière a été constamment réinventée et recyclée. Par exemple, dans Animal Crossing (2003 aux États-Unis, 2001 au Japon, Gamecube), le joueur peut non seulement décorer son habitation à l’image du jeu Super Mario Bros., mais également obtenir des consoles NES qui lui permettent de jouer, à l’instar d’une mise en abyme, à des jeux emblématiques de la NES comme Balloon Fight. En outre, des jeux faits pour la NES et d’autres consoles comme la Super Nintendo Entertainment System (SNES) ont souvent été adaptés pour des consoles ultérieures comme le Game Boy Advance, puis vendus en ligne sur la Wii et la Switch. En d’autres mots, il a toujours été possible de jouer à des jeux de la NES, malgré la fin de sa commercialisation : or, cela ne semble pas avoir été un obstacle au succès d’une nouvelle édition de la NES, la NES Classic Edition. Commercialisée entre 2016 et 2017, puis de retour en 2018 pour quelques mois seulement, la NES Classic Edition a été vendue à plus de 2,3 millions d’exemplaires[3], dépassant en 2018 la vente de consoles plus modernes comme la PS4 et la Switch[4]. Qu’il ait été important ou désirable de jouer aux jeux de la NES avec les manettes et la console pour lesquelles ils avaient été conçus semble ici évident. Ainsi, à l’instar de Blockbuster ou de Polaroid, la NES matérialise une époque (celle des années 1990) que plusieurs chérissent : « I’m 38; that’s my childhood. Nintendo was always a very important piece of my life[5]. »

Présentation et modalités du rétro

Dans la lignée de ces rééditions, et pour les 35 ans de sa série Mario Bros., Nintendo lance plusieurs initiatives et projets, afin de souligner en grand l’anniversaire de sa mythique égérie. On pense notamment à la réédition des Game & Watch (une console pré-datant la NES) ainsi que sa collaboration avec Lego, celle-ci étant particulièrement notable, pour son apologie nostalgique et intermédiale de l’histoire du jeu vidéo. Le choix d’examiner cet ensemble se justifie, en outre, par la rencontre (on ne peut plus charmante) entre Nintendo et Lego, elle-même synonyme d’un passé particulier et d’une tactique, notamment utilisée par Tamagotchi pour s’unir par exemple avec Pac-Man, afind de connecter des univers autrement disjoints ou séparés.

Plutôt qu’un retour, on assiste ici à une recréation à la fois stylistique et gestuelle de la sortie de Super Mario Bros. qui a eu lieu il y a maintenant plus de 35 ans. On propose de montrer, d’un côté, la console NES ainsi que la manette qui l’accompagne et, de l’autre, l’écran d’une télévision montrant le jeu en train d’être « joué ». On a d’ailleurs choisi de montrer le premier niveau du jeu, pour sa présentation iconique en briques colorées. Lego a même inséré des instructions secrètes, pour justement recréer une des parties des niveaux 1 et 2, qui permettent d’accéder à des tuyaux raccourcis dans le jeu (un autre élément célèbre de la série). Ainsi, la manette et la console mettent en scène la matérialité et les gestes de la NES; il est d’ailleurs possible d’insérer une « cassette » comme on l’aurait fait avec une véritable NES. Autrement, l’ensemble Lego opère sur le mode de la reprise visuelle. On notera que la toute première itération dans la série Mario Bros. et sa célébration du 8 bits se trouve soulignée par sa présentation dans une télévision évocatrice des années 1980 grâce à ses panneaux en bois et ses boutons « lo-tech ». La possibilité de faire bouger Mario en activant une manivelle (à l’instar de la Lomokino) se dote ici d’une sémantique des machines anciennes (pré-batteries, sans parler du pré-numérique) qui fait écho à la télévision et au premier jeu.

Ces aspects matériels et visuels sont eux-mêmes thématisés à l’aune du rétro : l’activité de construire ces objets en Lego, que l’on pourra argumenter être fortement dotée d’une valeur nostalgique, renforce le lien à un passé lui-même nostalgique : « Recreate the experience », « Bring back memories ». C’est non sans ironie que Lego propose ainsi une « authentic reproductions of the original console […] a way to recapture childhood magic[6] ».

Notes

[1] On se réfèrera notamment à la fiche de la NES de la University of Southern California : https://scf.usc.edu/~jeffcui/itp104/final/nes.html.

[2] Par exemple, IGN qualifiait la NES de meilleure console de tout le temps : https://www.ign.com/top-25-consoles/1.html.

[3] http://time.com/4759594/nes-classic-millions-sales/

[4] https://www.theverge.com/2018/8/2/17642236/nes-classic-npd-sales-data-june-2018

[5] https://www.nytimes.com/2016/11/27/business/nintendos-new-console-may-feed-your-nostalgia-if-you-can-get-one.html

[6] https://www.lego.com/en-us/product/nintendo-entertainment-system-71374